On lit rarement les chapitres 18 à 31 du Léviathan. Une fois institué l'Etat en passant d'un état de nature décrit comme la guerre de tous contre tous (chp.13) à la figure du souverain (chp. 16 et 17), l'autorité de l'Etat semble l'objet d'aucune discussion. Pourtant, à la lecture des chapitres suivants, on s'étonnera des développements de Hobbes sur la liberté des sujets comme un enjeu de pouvoir.
Car en effet, il ne suffit pas d'instituer le Léviathan, encore faut-il veiller à maintenir cet Etat. Justifiant l'emploi du monstre du livre de Job comme titre de son oeuvre (chp. 28), Hobbes le caractérise de deux façons: il est cette puissance telle qu' "il n'y a rien sur terre qui ne lui soit comparable" mais aussi institution du politique tel qu' "il est le roi de tous les enfants de l'orgueil." Aussi faut-il veiller à ce que l'Etat ne s'enorgueillit pas de sa puissance au point d'être aveugle à la volonté de ses sujets de retrouver en toutes circonstances leur liberté naturelle.
Dès lors, certes l'Etat subsume le champ du politique mais ne l'annule pas. Aussi n'y a-t-il pas d'Etat qui ne doit veiller à gouverner les hommes, c'est-à-dire à garder toujours lucidement à l'esprit que le pouvoir légitime auquel l'Etat peut prétendre s'exerce sur des hommes libres, c'est-à-dire désirant. Le corps politique est ainsi sujet à ses maladies qu'il doit savoir guérir comme la tyrannophobie ou peur d'être gouverné avec fermeté qui saisie ceux qui croient qu'ils peuvent toujours et en tout lieu constester l'autorité pourtant légitime de l'Etat.
Ainsi, l'artifice de l'Etat ne doit pas faire oublier l'art de gouverner les hommes, car à s'enorgueillir de la paix, on laisse sourdre sous elle l'abîme toujours ouvert de la guerre.